antoine-source/labellezohra/textes/TXT1.TXT

*6 COLERE
=MYOPE

Le soir du premier jour o<> j'ai port<72> mes lunettes, je me souviens avoir demand<6E> <20> Maman si je devais les garder pour la nuit.

Rigolez si vous voulez, mais il ne m'apparaisa<73>t pas comme <20>vident de devoir les enlever une fois au lit. Maman, elle, ne comprit visiblement pas tr<74>s bien le sens de ma question. C'est peut-<2D>tre ce jour l<> que quelque chose s'est d<>finitivement bris<69> entre nous.

J'avais imagin<69> que ma myopie r<>cement d<>busqu<71>e se devait d'<27>tre une sorte de sacerdoce, un <20>tat d<>sormais immuable et b<>tonn<6E> que je me voyais (pas tr<74>s bien) colporter, lunettes aux nez, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Maman, qui <20>tait tr<74>s terre-<2D>-sol, me demanda si c'<27>tait pour mieux voir mes r<>ves. "Pffff" soupirais-je en haussant les <20>paules. Les r<>ves existaient bien avant les ophtalmos. Mais <20> son <20>ge, Maman ne pouvait d<>j<EFBFBD> plus comprendre ces choses l<>.

Et moi, je d<>testais mes lunettes.

*4 ENVIE
&MYOPE
=APPAREIL

Etre myope passait encore, mais porter des lunettes <20>tait trop pour moi. Voil<69> pour ma premi<6D>re grande frustration.

La seconde grande frustration, du moins durant ma prime jeunesse, f<>t de n'avoir jamais port<72> d'appareil pour les dents. J'enviais le sourire d'acier et ce charme si particulier, ce petit quelque chose d'indescriptible. A la limite du signe ext<78>rieur de richesse.

Ma foi, m<>tal pour m<>tal, j'aurais bien <20>chang<6E>es mes montures contre un appareil <20> redresser les torts dentaires.

H<>las, la Nature en avait voulu autrement. Dieu s'<27>tait tromp<6D> de quelques centim<69>tres dans le sens de la hauteur et m'avait flanqu<71> sa tare aux yeux plut<75>t qu'aux dents. Il avait mal vis<69>. Il s'en foutait certainement comme de son premier pardon ("enfant de salaud" lui disais-je <20> l'<27>poque, sans que jamais il n'ait r<>pondu).

J'avais comme le sentiment d'une profonde injustice.

Je me trouvais moche <20> cause de ces saloperie de lunettes <20> la con. Elles faisaient plus que faire partie de moi, elles <20>taient moi. Celui qui m'aimait aimait d'abord et avant tout mes putains de lunettes, que moi je detestais.

J'avais presque irr<72>m<EFBFBD>diablement assimil<69> ma paire de proth<74>ses <20> une partie de mon corps. Mirote <20> plein temps, binoclarde non-stop. Tout bien r<>fl<66>chi, j'avais quelque part l'impression d'<27>tre coupable. Sans doute d'autre chose, certainement m<>me.

Mais quelqu'un devait payer, vomir et expier cette faute de quelques dixi<78>mes en pas assez. Evidement, c'<27>tait moi. Et le repentir tardait.

*5 LUXURE
&APPAREIL
=SEDUCTION LUNETTES

Pour moi, l'effet que pouvait avoir sur les gar<61>ons une machoire brillant au soleil ne faisait aucun doute. Il en <20>tait tout autrement pour les lunettes. Je me souviens m<>me avoir pris l'attirance que certains <20>prouvaient pour moi comme une sorte de d<>sordre, <20> placer sur le m<>me plan que la scatophilie ou quelque horreur de ce genre.

Je la voyais v<>ritablement comme une perversion. Et encore, <20>tais-je loin de les conna<6E>tre toutes <20> l'<27>poque.

Ma s<>duction s'op<6F>rait plut<75>t MALGRE mes lunettes qu'<27> cause d'elles. C'<27>tait surtout mes jolies gambettes, si vous voulez mon avis (ainsi que mes petits nichons qui, quand ils eurent pouss<73>, en rendirent fous plus d'un).

Si j'avais eu un appareil <20> me mettre sous la dent, tout aurait <20>t<EFBFBD> bien diff<66>rent.

*7 PARESSE
&MYOPE
=SUITE

Pourtant, malgr<67> mes lunettes, j'avoue ne pas avoir <20>t<EFBFBD> tout <20> fait desservie par le Seigneur ("C'est un autre nom pour Dieu" me disait ma m<>re, enfin Maman. Je crois vous avoir d<>j<EFBFBD> un peu parl<72> de l'un et l'autre). Le Tout-puissant, quelques mois apr<70>s avoir <20>tal<61> mon infirmit<69> optique au grand jour, se montra provisoirement plus cl<63>ment.

Que je vous raconte. C'<27>tait dans un gymnase.

Vous savez, ces vastes <20>tendues placard<72>es d'un linoleum verd<72>tre bigar<61> de lignes jaunes, de lignes en pointill<6C>s blanches, de lignes <20>paisses en pointill<6C>s bleux, de lignes fines violettes et de lignes <20>paisses hachur<75>es de rouges (repr<70>sentant respectivement les limitations des terrains de hand-ball, de tennis, d'un jeu inconnu, de volley-ball et de hockey sur glace, ces derni<6E>res restant relativement peu utilis<69>es sous n